Adultère - Partie V
- Dahri Hamdaoui
- 19 sept.
- 3 min de lecture
- Mais l'enfant qu'elle porte, l'interrompit Khaled, l'enfant qu'elle porte... ?
Il se tut, il ne trouvait pas les mots qui n'eussent pas blessé la jeune femme.
- L'enfant qu'elle porte, et bien, son père le reconnaîtra ! On saura le lui faire admettre, hein ? s'écria Fatima. Hein, n'est-ce pas ?...
- Ça n'est pas aussi facile que ça, dit posément son mari. Il faudra beaucoup de tact. De persévérance aussi. Et tout ça demande du temps. Et le temps justement... Il ne termina pas sa phrase.
- Leïla, tu vas nous dire qui est le père de l'enfant que tu portes et Khaled ira lui parler. Il ne peut être qu'un jeune homme du village. Si ça se trouve, c'est un de ses élèves. Il saura le persuader de reconnaître son enfant.
Leïla leva les yeux vers Fatima et ce qu'elle trouva dans la fermeté de son regard dut la réconforter car elle dit :
- Vous le connaissez tous. Tout le monde ne connaît que lui dans le village. Mais jamais il n'osera reconnaître son enfant. Il ne le peut pas quand bien même il le voudrait.
- Dis-nous qui c'est et Khaled ira lui parler...
Elle ne put aller loin. Des coups frappés à la porte et une voix d'homme criant "yah ! si Khaled !" venaient de retentir.
D'un geste, Khaled leur intima l'ordre de ne pas faire de bruit et alla à la porte. Il ouvrit lentement. Un jeune homme se tenait sur le seuil : c'était le gardien de l'école. Il salua poliment le directeur et lui dit :
« Les hommes du village ont besoin des balais, des pelles et des brouettes que la mairie entrepose à l'école. C'est pour la campagne d'hygiène et de propreté. Vous m'autorisez à leur donner ce matériel ?
- Oui, bien sûr, dit Khaled. Je vous rejoins dans un instant.
Il retourna au salon. Les deux femmes se tenaient debout au milieu de la pièce. Khaled leur annonça qu'il allait rejoindre les hommes. Il reviendra aussitôt la campagne lancée. Et il sortit.
Sur la place, deux petits groupes de volontaires se formaient. Le directeur salua les hommes, un à un, puis alla se mêler au groupe qui se tenait devant la mosquée. Mahieddine était là. L'imam salua chaleureusement le directeur d'école et, dans un grand sourire, dit aux personnes présentes :
« Voilà un homme qui parle peu. Il agit au lieu de donner des leçons, au lieu de parler comme nous le faisons tous depuis quelques années. Toujours prêt à donner l'exemple, et les élèves suivaient le maître...»
Les hommes acquiescèrent. Beaucoup parmi eux ont été ses élèves. Ils savaient tous qu'il ne leur demandait jamais de travailler davantage, mais qu'il se contentait de leur montrer l'exemple en travaillant avec persévérance. Et ils le suivaient. Comme il leur avait appris l'écriture grâce à des lettres et des mots soigneusement calligraphiés. Et ils imitaient le modèle. Leur maître était leur modèle en tout.
Les hommes écoutaient et attendaient. D'autres, des retardataires, les rejoignaient traînant le pas. L'imam se tut. Il se préparait déjà à répartir les tâches.
Tout à coup, les cris d'une femme venant d'une ruelle voisine trouèrent le silence de la place. Les têtes se retournèrent en direction des cris. Et avant que l'un d'eux puisse prononcer un seul mot, une vieille femme surgit et se précipita vers les hommes :
« Venez vite ! Youssef est devenu fou ! Il a juré de tuer sa sœur ! » ...
Dahri Hamdaoui
Retrouvez cette nouvelle dans : "Si mon pays m'était conté...Nouvelles sur l'Algérie contemporaine"
Edition L'Harmattan - Collection : Lettres du monde arabe
A propos de l'auteur
Né le 15 septembre 1950 à Saïda (Algérie), Dahri Hamdaoui a vécu et fait ses études à Oran. Il a par la suite enseigné le français langue étrangère jusqu’en 2005 avant de prendre une retraite anticipée.
Où trouver les livres de cet auteur
Si mon pays m'était conté...Nouvelles sur l'Algérie contemporaine – Editions L’Harmattan, 2007