Si Zarur - Partie 1
- Redha Houhou
- 20 janv.
- 5 min de lecture
Personnages
Décors:
Une salle de classe dans une école d'enseignement privé ou I'on voit un seul élève qui tourne le dos au public. Dans un coin, le bureau de l'instituteur, sur lequel se trouvent quelques instruments, un encrier et des porte-plume. Accroché au mur, un tableau porte cette inscription : (Ne réussit dans la vie que l'homme honnête).
À droite du bureau, un tableau. L'instituteur fait une leçon.
ZARUR
(Dictant) Quand le soleil se lève ... le soleil…C'est-à-dire…c'est-à-dire ... Le ... soleil ... Le ... soleil. (Il examine le cahier de l'élève). Je vous ai dit : le ... soleil ... Le ... soleil.
(Entre Nagia)
NAGIA
Bonjour, maître Zarur.
ZARUR
Bonjour, mademoiselle Nagia.
NAGIA
N'avez-vous pas vu mon père ce matin ?
ZARUR
Non, non, Monsieur le directeur ne s'est pas montre ce matin.
NAGIA
Avez-vous l’heure ?
ZARUR
(Cherche sa montre énorme) Il est 7h40m. Vous êtes en avance ce matin.
NAGIA
J'ai beaucoup de travail que je voudrais liquider. Voulez-vous me prêter votre encre rouge ?
ZARUR
Oui, oui, mademoiselle, avec plaisir. J'en possède un autre tout neuf, acheté hier seulement.
NAGIA
Je vous en remercie. Soyez béni.
ZARUR
(Essayant de déboucher le flacon) Avez-vous des cahiers à corriger ce matin ?
NAGIA
Oui, et je déteste la correction. C'est le travail qui me pèse le plus.
ZARUR
C'est curieux. Cette tâche si lourde pour vous et que vous détestez, moi, je m'y livre avec passion, à tel point qu'en me promenant dans les rues, je me surprends inconsciemment à rectifier les fautes d'impression sur les affiches collées aux murs. Cette tâche ne saurait me fatiguer dut elle m'occuper nuit et jour. (II lui tend le flacon d'encre). Tenez. Prenez-le. Je l'ai débouché. Vous pouvez le garder. J'en achèterai un autre.
NAGIA
Je vous remercie vivement maître Zarur.
ZARUR
(S'inclinant) Je suis votre serviteur et le serai toujours Mademoiselle Nagia.
NAGIA
Que dîtes-vous ? Vous êtes mon serviteur. J'entends beaucoup de gens prononcer cette phrase, mais l'entendre de votre bouche, je la trouve plus exquise, plus douce et d'une résonance particulière.
ZARUR
Parce qu'elle vient de mon cœur. Du plus profond de mon cœur.
NAGIA
C'est possible, mais il me semble que vous avez un peu changé. Vous étiez plus aimable, plus doux.
ZARUR
Grand Dieu ! Comment ça et en quoi aurais-je changé ?
NAGIA
En beaucoup de choses. Ainsi par exemple vous veniez toujours dans ma classe. Vous m'aidiez dans la correction des devoirs, mais à présent vous paraissez n'en avoir plus le désir.
ZARUR
Mais si j'avais sollicité la permission de vous aider, me l'eussiez-vous accordée ?
NAGIA
Je ne sais pas. En tout cas vous ne me l'avez pas sollicitée ne fût-ce que par complaisance. Je vous remercie pour votre flacon. Je m'en vais au travail.
ZARUR
Mademoiselle Nagia, Mademoiselle Nagia. Ne partez pas si vite, comme ça. Permettez-moi deux mots, je vous en supplie.
NAGIA
Excusez-moi Maître Zarur. J'ai du travail qui s'accumule et que je voudrais liquider. Je dois terminer la correction de ce tas de cahiers.
ZARUR
Ô Mademoiselle Nagia. Ma chère collègue. Vous la fille de mon directeur bien-aimé. Il n'est pas possible de nous séparer ainsi sur un malentendu si affreux.
NAGIA
Quel malentendu ? Il n'y en a aucun !
ZARUR
Il est vrai que depuis deux semaines, je ne vous ai pas offert de vous aider, mais vous devez savoir que la seule chose qui m'en empêchait fut la crainte de me voir chasse par vous et mon aide refusée.
NAGIA
Vous êtes beau parleur Maître Zarur.
ZARUR
(S’approchant d’elle) Mademoiselle Nagia. Je vous en supplie. Confiez-moi ces cahiers pour la correction.
NAGIA
Non. Non ! Je ne veux pas vous charger de cette corvée.
ZARUR
Une corvée ?! Grand Dieu ! Non, vous ne pouvez pas vous imaginez la joie et le plaisir que j'éprouve quand, seul le soir, dans ma chambre tout absorbé par la correction de ces problèmes et de ces devoirs par vous élaborés, je me sens assis auprès de vous.
NAGIA
(Indignée) Maître Zarur. Je vous en prie. Ne répétez plus cette parole. Vous divaguez. Que dîtes-vous là ?
ZARUR
Pardon mademoiselle. Je n'avais nullement l'intention de vous ennuyer et je vous demanderais de ne pas me priver du plaisir de vous servir. Pardonnez ma faute.
NAGIA
Aucun mal. Pour cette fois Je vous pardonne. Prenez ces cahiers.
ZARUR
(Prenant les cahiers) Merci. Dieu vous bénisse Mademoiselle Nagia. Merci. Merci. Vous êtes bien bonne.
NAGIA
Je les veux pour demain matin. Avez-vous compris ?
ZARUR
Demain. Demain, si Dieu le permet. Vous les aurez après correction.
NAGIA
Maître Zarur ; j'espère que mon père n'en saura rien.
ZARUR
Pourquoi ? Cela déplairait a Monsieur le directeur que je vous aide ?
NAGIA
Oui, et même il en serait beaucoup fâché.
ZARUR
Rassurez-vous. Il n'en saura rien. Mon Dieu : quelle joie de nous voir ainsi liés par un même secret, par une chose défendue que nous faisons secrètement ensemble.
NAGIA
Quoi ? Quelle divagation !
ZARUR
Mon Dieu. Liés ensemble par un secret.
NAGIA
Si vous répétez cette parole, je vais, immédiatement reprendre mes cahiers et vous n'aurez pas à m’aider.
ZARUR
Non. Non. Je ne la répèterai plus, un secret. Pardon, je ne la répèterai plus Mademoiselle Nagia. Pardon.
NAGIA
Je vous pardonne. Au revoir. Faites attention. Pas un mot a mon père.
ZARUR
Pas un mot, Mademoiselle. Pas un mot. Soyez tranquille. (II cache les cahiers dans le tiroir de son bureau et reprend la leçon.) Nous disions mon enfant : Le soleil s'est levé. Le... soleil . . . C'est-a-dire... Le... soleil. Avons-nous compris ?
ZARUR
Nous disions mon enfant : Le soleil s'est levé. Le... soleil . . . C'est-a-dire... Le... soleil. Avons-nous compris ?
(Entre Arfi)...
Ahmed Redha HOUHOU
Extraits de "L'honorable Conseiller" - Adaptation de "Topaze" de Marcel Pagnol
Traduit de l'arabe par Ahmed MENOUR
Publication de l'Union des Écrivains Algériens
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