Si Zarur - Partie 3
- Redha Houhou
- 20 janv.
- 4 min de lecture
Personnages
Décors:
Une salle de classe dans une école d'enseignement privé ou I'on voit un seul élève qui tourne le dos au public. Dans un coin, le bureau de l'instituteur, sur lequel se trouvent quelques instruments, un encrier et des porte-plume. Accroché au mur, un tableau porte cette inscription : (Ne réussit dans la vie que l'homme honnête).
À droite du bureau, un tableau. L'instituteur fait une leçon.
NAGIA
(Entrant) Maître Zarur, voulez-vous me prêter votre mappemonde ? s'il vous plait.
ZARUR
(avec entrain) Oui, oui, avec plaisir. Tenez, tenez.
NAGIA
Merci, vous êtes bien gentil. (Elle sort).
ARFI
Pardonnez-moi. J'aurais dû sortir et vous laissez seuls peut-être serait-elle restée quelques temps. Je constate que les choses avancent et bientôt nous assisterons à la célébration de votre mariage, si Dieu veut.
ZARUR
Je ne sais pas. En tout cas, elle m'a rendu visite ce matin et m'a chargé de la correction de ses cahiers.
ARFI
Ah ! donc les choses avancent comme je le disais. L'avez vous entretenue de votre amour ?
ZARUR
Non, je n'ai pas osé.
ARFI
Vous êtes timide. Qu'attendez-vous ?!
ZARUR
La chose n'est pas aussi aisée que vous l'imaginez. N'oubliez pas qu'elle est la fille du directeur
ARFI
Je voudrais bien, mais je ne sais quoi faire, ni comment m'y prendre.
ARFI
La chose est facile. Vous n'aurez qu'à baisser les yeux devant elle, pencher un peu le cou, adoucir la voix en signe d'amour et après quelques vers romantiques et quelques douces paroles vous vous approchez d'elle, vous saisissez sa main en disant : Ma chère Nagia, je vous aime d'un amour violent. Puis baisant sa main vous ajoutez : Si vous acceptez d'être mon épouse, je serais le plus heureux des hommes.
ZARUR
C'est parfait. Et que répondrait-elle ?
ARFI
Pourquoi faudrait-il qu'elle réponde ? Si elle ne crie pas vous comprendrez qu'elle est Consentante.
ZARUR
J'ai bien peur de son père. Je le crains comme je crains son agressivité.
ARFI
Son père, je m'en charge et je demanderai pour vous la main de sa fille.
ZARUR
J'aimerais qu'il ne sache pas que c'est moi qui vous envoie et lorsqu'il vous aura manifesté son consentement, je me présenterai à lui en prétendant officiel.
ARFI
Ne vous souciez pas trop de cette question. Je saurai comment l'entretenir à ce sujet. J'ai ma façon particulière.
(Entre Nagia)
ARFI
Je m'en vais : Au revoir. N'oubliez pas ce que je vous ai recommandé. (Il sort).
NAGIA
Monsieur Zarur. Je voudrais vous charger d'un travail que vous ferez à ma place.
ZARUR
Grand Dieu. Je suis votre serviteur tout obéissant Nagia. Je me tiens à votre entière disposition
Il s'agit d'une chose très simple. Mon père m'avait chargée de sortir en promenade avec les élèves, jeudi prochain. Mais comme je suis occupée, je voudrais que vous vous adressiez au directeur pour qu'il vous permette de me remplacer sans qu'il comprenne que c'est moi qui vous en ai chargé ;
ZARUR
(S’approchant d'elle). C'est entendu. Je ferai tout ce que vous voudrez. (Il baise sa main). Je vous aime ma chère Nagia.
NAGIA
(Le giflant). Éloignez-vous de moi. Malheur a vous. Ne recommencez plus, et n'oubliez pas les élèves pour jeudi. (Elle sort).
ZARUR
Quel succès éclatant Un succès sans précèdent ! Mon Dieu, puisqu'elle n'a pas crié donc l'affaire réussit. Cependant je ne comprends pas le sens de cette gifle dans le langage de l'amour. Que signifie-t-elle ? Il faudra que j'interroge maître Arfi a ce sujet. Il saura l'interpréter sans aucun doute. (Il entend la cloche dehors). Ah, il est 8 heures. II est temps. (Il ouvre la porte et fait entrer les élèves).
ZARUR
Notre leçon aujourd'hui est une leçon de morale. J'ai dit l'autre jour que l'homme ne réussit dans la vie que s'il est... que s'il est... (désignant un élève) a vous. Que s'il est... quoi ?
L’ÉLÈVE
Que s'il est... Que s'il est... Je ne sais pas, monsieur.
ZARUR
Et vous, répondez. Que s'il est ho... ho... ?
L’ÉLÈVE
Horrible.
ZARUR
Dieu nous en préserve. Comment que s'il est horrible !
Non, non. Et vous ? Dégourdi ?
L’ÉLÈVE
Que s'il est un dliable.
ZARUR
Non, non. S'il est ho... honne... honnête.
LES ÉLÈVES
(Répétant) Honnête.
ZARUR
C'est très bien. L'homme ne réussit dans la vie que s'il est honnête. (Les élèves répètent).
UN ÉLÈVE
Monsieur. Une question.
ZARUR
Laquelle ? j'écoute.
L'ÉLÈVE
Et vous monsieur, avez-vous réussi dans la vie ?
ZARUR
(Réfléchissant). Quant à l'honnêteté, Dieu sait que je suis honnête. Mais je ne saurais prétendre que j'ai réussi dans la vie. Telle est la vérité.
L'ÉLÈVE
Mais vous venez d'énoncer le précepte...
ZARUR
(L’interrompant). Je n'ai rien énonce ou plutôt c'est la leçon de morale qui l'affirme. (Il se dirige vers son bureau, quand il entend la musique habituelle : Ding ! Dong !).
ZARUR
(Sans se retourner). Salah, dehors. Entends-tu ? Sors ! C'est toi qui fais cette musique. Ta physionomie te dénonce, petit diable.
(Les élèves riant sans arrêt).
ZARUR
Pourquoi ces rires ? Salah, sors !
UN ÉLÈVE
Salah est absent, monsieur. Il est malade. Il y a trois jours qu'il n'a pas assisté aux cours.
ZARUR
C'est vrai, il est absent. J'oubliais cela.
Ahmed Redha HOUHOU
Extraits de "L'honorable Conseiller" - Adaptation de "Topaze" de Marcel Pagnol
Traduit de l'arabe par Ahmed MENOUR
Publication de l'Union des Écrivains Algériens
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