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Adultère - Partie III

  • Dahri Hamdaoui
  • 2 sept.
  • 4 min de lecture

Nos jeunes ne respectent plus rien ni personne. Nous avons failli quelque part. Nous, la société, la famille, l'école et toutes les institutions de l'état, sommes tous responsables de cette faillite. Sans doute avons-nous été poussés à faillir pour quelques intérêts sordides. Par un individualisme mesquin, immodéré, furieux, inhumain. Par lâcheté aussi, nous nous sommes calfeutrés dans nos coquilles, et nous avons fermé les yeux sur toutes les déviances jusqu'à l'aveuglement, espérant que le vent passera. Mais non, la tempête nous emportera tous, si... Il aurait voulu crier toutes ces choses, mais il se tut.


Après la dernière prière de la journée, Mahieddine annonça que la grande campagne d'hygiène et de nettoyage des rues du village et du lit de l'oued commencerait le lendemain. Tous les bras valides seraient les bienvenus. « La propreté est un acte de foi », rappela-t-il.

Dans un coin de la mosquée, Khaled avait remarqué Mokhtar, le père d’Abdelkader, qui lui avait semblé absent comme si plus rien ne l'intéressait. Il guettait du coin de l'œil sa sortie, mais celui-ci avait sans doute quitté la salle aussitôt la prière achevée. Il aurait voulu parler avec lui et s'enquérir de la santé des membres de sa famille.


Khaled se résolut à rentrer chez lui. Sur le chemin, il croisa deux hommes armés, des gardes communaux, qui le saluèrent et lui souhaitèrent bonne nuit. Depuis une année, une compagnie de soldats et une brigade de gardes communaux bien armés renforçaient les quelques hommes de la police communale et de gendarmerie. Cette présence d'hommes décidés les préservait de toute attaque terroriste et le village vivait dans une paix relative. Il était près de dix heures comme Khaled rentrait. La lune s'était levée et la nuit s'annonçait chaude.

Ils dînèrent en silence puis ils s'installèrent dans le salon devant la télévision. Comme les garçons étaient absents, leur choix se fixa rapidement sur une chaîne arabe qui diffusait, ce soir-là, un vieux film égyptien. Fatima lui lançait des regards furtifs comme si elle voulait le voir se retirer dans leur chambre et lui parler en toute tranquillité. N'y tenant plus et prétextant d'une scène où les deux personnages du film se disaient quelques mots doux, elle lui dit : « lève-toi, va ! il est temps d'aller se reposer et laisser Nadia regarder le film. »

Il se leva, souhaita bonne nuit à sa fille et se retira dans la chambre. Quelques minutes et Fatima le rejoignit.

«  Et alors ? Des nouvelles ?

-  Non, rien, aucune information, répondit-il.

-  Rien. Personne ne t'a dit un mot, un seul mot ?

-  Personne. J'ai vu Mokhtar à la mosquée. Il n'avait pas l'air d'une personne préoccupée. Certes, je n'ai pas pu lui parler.

-  Malheureux. Dieu heureusement que tu ne lui as pas parlé. Le pauvre homme, il n'est au courant de rien. Ce n'est encore, je crois, qu'une affaire de femmes. Et d'ailleurs, Leïla n'est plus chez sa belle-famille depuis bien longtemps. Cela fera deux ans le prochain ramadan.

- Ah ! Bon. C'est une chose que j'ignorais, vois-tu. Puis il ajouta : Abdelkader est absent depuis longtemps ?

- Cela fait presque cinq ans. Et depuis aucune nouvelle. Les parents de la pauvre fille ont intenté une procédure de divorce, il y a déjà une année. Elle ne peut rester ainsi, indéfiniment.

-  Et où en est-on ? Ont-ils eu une réponse ?

- Non, mais le juge leur a assuré que leur démarche est conforme à la loi. Dieu heureusement, ils n'ont pas d'enfants.

-  Et cette grossesse, elle est avérée ? A-t-elle vu un médecin ?

-  Je n'en sais rien, mais je n'ai pas demandé. Mais tu sais, ces choses-là ne peuvent se dissimuler longtemps. Enfin Dieu seul sait.

-  Oui, Lui seul est au courant de tout. » Et il se tut.


Il faisait de plus en plus chaud. Les fenêtres étaient ouvertes mais il n'y avait pas le moindre courant d'air. Il mit le ventilateur en marche. Ensuite ils se souhaitèrent bonne nuit et il éteignit la lumière. Mais le sommeil ne venait pas et ses pensées allèrent vers le vieux Mokhtar. Le pauvre homme, se disait-il, je ne voudrais pas être à sa place : il est sans nouvelles de son fils depuis cinq ans et voilà que sa bru tombe enceinte.

La moiteur de la nuit, le ronron du ventilateur et cette mauvaise nouvelle surtout l'empêchaient de s'endormir. Comme Nadia avait éteint le poste de télévision et s'était retirée dans sa chambre, il pensa à s'installer dans le salon pour lire un peu. Prenant toutes ses précautions pour ne pas réveiller sa femme, il se leva doucement et alla prendre un livre dans la bibliothèque. C'est à ce moment qu'il entendit trois coups brefs, mais fermes venant de la porte du jardin. Il regarda sa montre. Il était minuit moins quart. Qui avait frappé à la porte ? Il fallait être bien courageux pour mettre le nez dehors à cette heure-ci. Ou avoir une raison impérieuse. Il se dirigea vers la porte-fenêtre donnant sur la terrasse, l'entrouvrit et distingua la silhouette d'une femme voilée qui jetait des coups d'œil furtifs, à droite et à gauche. Autant qu'il pouvait voir, elle était seule. Il descendit les escaliers de la terrasse et traversa le petit jardin. À travers les barreaux de la grille il vit qu'il s'agissait bien d'une femme.

«  Qui es-tu ? lui demanda-t-il.

-  Je suis Leïla, la fille d'Ahmed. Vous ne me reconnaissez pas, sidi. J'ai été votre élève, dit-elle tout en dévoilant son visage. Ouvrez-moi, je vous en prie. »...

Dahri Hamdaoui


Retrouvez cette nouvelle dans : "Si mon pays m'était conté...Nouvelles sur l'Algérie contemporaine"

Edition L'Harmattan - Collection : Lettres du monde arabe


A propos de l'auteur

Né le 15 septembre 1950 à Saïda (Algérie), Dahri Hamdaoui a vécu et fait ses études à Oran. Il a par la suite enseigné le français langue étrangère jusqu’en 2005 avant de prendre une retraite anticipée.

Où trouver les livres de cet auteur

Si mon pays m'était conté...Nouvelles sur l'Algérie contemporaine – Editions L’Harmattan, 2007


Galette d'orge et huile d'olive | Les éditions du net, 2016




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